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Geese – la country passe en 3D

    Posons l’idée que la country est une musique à une dimension. Pas un jugement de valeur, mais d’un point de vue strictement sonore. En l’amplifiant par le blues et le rock, comme l’ont fait les Stones ou CCR, on y ajoute une deuxième dimension. Mais est-il possible de lui en ajouter une troisième ? C’est précisément ce que fait le groupe new-yorkais Geese dans cet album et c’est pour cette raison que rarement un titre n’a aussi parfaitement décrit un album.

    Bien que célébré, ce pan du rock classique reste oublié dans la scène contemporaine : peu de groupes nous font penser aux Stones, par exemple. Il est ressuscité par cet album, et, augmenté d’une étrangeté expérimentale, il entre dans sa troisième dimension. L’ouverture, 2122, rappelle celle de IV de Led Zeppelin, avec sa structure riff-refrain-riff-refrain, sauf qu’ici les refrains et les riffs changent à chaque fois, dans une folle et maitrisée fuite en avant, dans laquelle l’interprétation intense et toquée du chanteur n’est pas pour rien. La cinquième piste, Undoer, va quant à elle encore plus loin et alterne abruptement des bouts de batterie jazz et un refrain où la guitare électrique imite presque un banjo, avec tout au long des beuglements du chanteur qui rappellent curieusement certains moments de Kid A. Ces deux morceaux sont les incarnations les plus démesurées de cette théorie de la country en 3D, une country travaillée par le rock bruitiste le plus grinçant.

    Mais le cœur vibrant de cette musique est dans ses mélodies de blues et de country dont les sommets sont les ballades stoniennes « Cow-boy Nudes » et « 3D country ». Leurs constructions mélodiques ont beau être bizarres ou dissonantes, elles ne perdent rien de ce mélange de légèreté et de lyrisme qui rappelle les grands moments de « Exile on main street ». Je pourrais en dire ce que j’avais dit de Joey Valence & Brae et un certain rap des années 90 : cette revisite ludique (souvent clownesque) et virtuose d’un son un peu oublié est moins nostalgique qu’intempestive, et fait un grand bien au rock, et plus important encore, à moi. Je découvre cette merveille 2 ans trop tard et après en avoir voulu aux algorithmes tout puissants pour ce retard inhabituel, j’ai fini par revenir à la raison et montrer la gratitude qui se doit pour les geôliers de nos consciences, les plus attentionnés que nous ayons jamais eu.

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