Un type de scènes revient régulièrement : à la fois doux et graves, les lycéens discutent entre eux devant une caméra généreuse qui se permet souvent quelques gros plans ou changement d’angle de vue lorsque le moment l’exige. La syntaxe de ces scènes suggère que ces moments de parole sont crées ad-hoc, ce que confirme le réalisateur dans le dossier de presse : les scènes étaient préparées et discutées, afin de « choisir ensemble le point de départ, évidemment toujours lié à leurs préoccupations immédiates et à ce qu’elles vivaient à ce moment-là », dans le but de « ne pas faire un film sur elles mais avec elles. La nuance est essentielle ». Précise-t-il. Vu le ton de la plupart des scènes, l’orientation de ces points de départ a dû être très restreinte aux adieux, à l’avenir, la jeunesse, les nouveaux départs… enfin ce genre de choses, cet espace émotionnel là. Ces images fabriquées comme une fiction sont de fait, si on s’en tient à leur substance et non au cachet de véracité qu’est la mention « documentaire », des images de fiction, plus précisément de la fiction à la place de laquelle Guillaume Brac dit avoir choisi de faire ce documentaire. Il y a en effet très peu ici de ce type d’images que permet plus volontiers le documentaire, celles qui semblent avoir été volés au réel ; qui montrent un réel non pas ordonné par la caméra (fiction) mais auquel celle-ci semble se plier. La seule scène qui s’en rapproche se trouve dans le court-métrage « Un pincement au cœur ». On y voit une des deux lycéennes discuter avec un prétendant qui l’attendait justement à la sortie du lycée. La scène n’est pas mieux que tendre et crispante (au bon sens du terme) mais elle donne au moins l’impression d’être dérobée à la vie concrète de ces lycéennes.
Engoncé dans un tel dispositif de fiction, ce documentaire en devient ramolli et est d’autant plus décevant qu’il donne une sorte de fiction sous-écrite, perdant donc sur les deux tableaux. Il ne se fonde que sur une vague bienveillance sentimentale (paternaliste ?) en guise de regard sur la jeunesse avec J majuscule, qui canalise la plupart des situations de parole mises en place. Rien de ce qui pourrait contrarier cette orgie de joliesse inoffensive ne sera exploré. Par exemple on ne saura pas trop d’où vient leur conscience politique supérieure à la moyenne, on l’effleurera juste assez pour ne tirer de leur écologie radicale que la défense « de la nature » finalement bégnine et conforme à l’idée de Jeunesse, pour adultes bienveillants et forcément émus.