Aller au contenu

Eephus de Carson Lund : out of time

    Dans la scène qui succède au générique, on voit les joueurs arriver sur le parking du terrain et se saluer avec une évidente familiarité. On les imagine volontiers ne se fréquentant qu’au moment de jouer au base-ball, à intervalle régulière, année après année, envers et contre le déroulement de la vie, évoluant dans une sorte de ligne temporelle parallèle dans laquelle chaque début de match succède à la fin du précédent. Tout comme le lancer Eephus décrit par un des personnages comme un type de lancer où le temps semble suspendu, la durée elle-même du match peut être perçue comme arrachée au temps.

    La belle idée du film est de raconter précisément comment le Temps reprend ses droits, en grignotant progressivement sur cette ligne temporelle. Pas seulement parce que le terrain va finir par être remplacé par une école, mais par tout un tas d’éléments plus ou moins habilement introduits par les dialogues : le déménagement probable d’un tel, le vieillissement de la plupart, un baptême auquel il faut se rendre au plein milieu du match. Devant ce fait inéluctable (le match va s’arrêter et avec lui une époque), la résistance aussi vaine qu’acharnée des joueurs pour repousser l’échéance, sous prétexte que le dernier match doit être absolument terminé comme il faut, est à la fois comique et vertigineusement absurde – le sommet du film étant sans doute atteint par ces scènes de nuit éclairées par les voitures où les joueurs ne voient même plus la balle.

    Moins vain peut-être est-ce qu’entreprend Carson Lund pour conjurer la disparition de ce stade, et le déclin du base-ball suggéré au détour de quelques scènes : une sorte d’hommage photographique à ce lieu qui on l’imagine lui tient à cœur, filmé sous toutes les lumières. Mais cette ambition visuelle se heurte à un découpage théâtral du récit et des scènes, en particulier les scènes périphériques au match, parfois pataudes et maladroitement jouées, alourdies qu’elles sont par des intentions narratives ou émotionnelles un peu trop voyantes. Un peu comme le film dans sa globalité, qui fait peu de mystère de la ficelle émotionnelle – évidente compte tenu de l’histoire – qu’il tirera sans détour tout au long, à coup de musique et de dialogues crépusculaires. La mélancolie de ce lieu, de ce match, n’aboutira qu’à une plaisante ballade sentimentale.

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *